L’enseignant partageait son temps entre l’école où il faisait classe, participait aux réunions avec ses collègues, recevait les parents et son domicile où il préparait ses cours, corrigeait les devoirs. Et puis du jour au lendemain, il n’y a plus d’écoles ouvertes. Tout le monde doit se mettre au “télétravail”. Télétravail, quel drôle de nom pour un enseignant! Aucune des solutions digitales existantes n’a été pensé en remplacement de l’école physique. Aucun magicien n’a imaginé pouvoir faire disparaître l’école du jour au lendemain. Rien n’a jamais été pensé à grande échelle pour que les enfants n’aient plus à aller à l’école.
Il nous faut donc en quelques jours inventer la classe à distance – et non plus l’enseignement à distance.
La question est de savoir si la relation entre un enseignant et sa classe – seule garante de la qualité de l’apprentissage – peut se maintenir à distance avec une qualité équivalente ou proche de celle qui existait dans l’espace physique de la salle de classe. Toutes ces questions se posent à un corps enseignant mobilisé, compétent mais qui doit inventer dans l’urgence un nouveau concept: la classe à distance.
Ce qui demeure du temps d’avant
L’enseignant est le seul en charge de sa classe; L’assistance en classe est obligatoire; Tous les enfants ont droit à être en classe; Une classe a un emploi du temps; Les temps de la classe permettent aux enfants d’acquérir connaissances et compétences en suivant un programme.
Ce qui change
L’espace physique a disparu; Les élèves sont devenus invisibles; Les chefs d’établissement sont devenus invisibles; Les parents sont devenus visibles; Le temps s’est allongé: la journée n’a plus de frontières claires entre travail et loisirs.
Ceux qui font ces jours-ci l’expérience du télétravail à outrance savent la fatigue engendrée et la concentration exigée par des visioconférences à répétition, plus ou moins organisées et aux durées très variables. Rien de plus perturbant que de voir des dizaines de visages sur un écran, qui bougent au gré des prises de parole et sans jamais savoir quand parler, combien de temps, avec qui.
La leçon à distance ne peut être une copie parfaite de la leçon réelle. La capacité de concentration de l’enseignant et de l’élève n’est pas la même. Il leur faut des respirations, des moments d’évasion.
Aujourd’hui avec le numérique, il faut apprendre à faire moins, mieux, plus court.
La leçon
Chaque leçon en ligne doit durer 30 minutes au maximum. Au professeur, le travail d’amorçage, de défrichage à réaliser en classe: “le professeur donne l’envie”. Aux élèves l’approfondissement, le travail complémentaire fait “à la maison.”
4 leçons par jour; 4 x 30 minutes; 2 le matin et 2 l’après-midi par exemple. Entre chaque leçon, une pause pour se rafraîchir, “déconnecter”, réviser ce que l’on vient de voir.
Ne faites donc lors de la leçon que ce que vous vous sentez capables de faire en 30 minutes. Allez au plus juste. Choisissez.
Un conseil simple: Faites comme d’habitude! Préparez votre leçon avant de la donner sur une plateforme virtuelle! Ce conseil semble trivial. Il ne l’est pas autant que ça.
Il faut retrouver le cours dans sa simplicité d’avant. Un cours “a minima” mais comportant l’essentiel: les objectifs clairement énoncés, les points fondamentaux bien résumés, quelques activités dynamiques. Le reste, tout le reste, peut faire l’objet d’un mail complémentaire ou d’un fichier partagé sur l’espace numérique de travail.
Pour ce faire ouvrez un simple document word, divisez la feuille en 5 blocs; un bloc de 10 minutes (réservé au contenu de l’enseignement) et 4 blocs de 5 minutes. Attribuer à chaque bloc de 5 minutes une activité à faire en classe et sélectionner pour chaque activité un élément introductif (image, vidéo, texte, fichier son).
Bloc 1 – Ouverture | 5’ rappel des objectifs |
Bloc 2 – Enseignement | 10’ le cœur de la séance |
Bloc 3 – Activité | 5’ Un exercice en réaction au bloc précédent (écriture, exercice de maths) |
Bloc 4 – Activité | 5’ Une vidéo, un extrait sonore pour exercer sa créativité et sa capacité de réflexion |
Bloc 5 – Quiz | 5’ Un questionnaire simple pour que chacun auto-évalue ses acquis |
Gardez le document word et ces éléments dans un fichier sur votre ordinateur. Quand vous aurez à créer la leçon sur une plateforme virtuelle, utilisez ce fichier. Ne vous rajoutez pas de contraintes en allant sélectionner sur des bases de données infinies des contenus que vous découvrez.
Comment utiliser la visioconférence ?
L’apprentissage ne consiste pas à voir en plein écran ses élèves. Imaginez un enseignant se trouvant à 50 centimètres de distance de chacun de ses élèves, respirant leur haleine, leur soufflant en pleine figure.
L’apprentissage c’est d’abord l’art de la distance, l’art de savoir utiliser à bon escient des supports pédagogiques et animer la discussion sur des sujets que l’on découvre, des points précis, des points qui font problème!
La particularité d’une leçon c’est qu’elle est donc inscrite dans une dynamique d’apprentissage. Il faut en savoir plus à la fin qu’au début. Nous allons d’un point a vers un point b. Il faut donc s’assurer que cette progression a bien lieu.
Deux éléments sont fondamentaux pour garantir la progression dans le temps court d’une leçon en ligne.
Tout d’abord, comme nous l’avons vu, la leçon elle-même doit aller à l’essentiel, filtrer le superflu, avancer par bonds en laissant de côté les détails que chacun pourra approfondir hors ligne en consultant son manuel.
Ensuite l’évaluation tant individuelle que collective est essentielle. La classe en ligne ne peut pas se permettre de perdre des élèves en route, de laisser de côté ceux qui ne comprennent pas assez vite.
Comment faire participer les élèves en ligne?
Les fonctions de visio (et audio) conférence permettent bien à l’enseignant de parler et donner la parole. Mais la parole n’est utile que pour faciliter l’interaction au sein de la classe. C’est tout le pari du moment éducatif que nous traversons: ne pas tomber dans la facilité du parler pour ne rien dire mais insister sur “le faire et le partager”.
Imaginons “laisser le micro ouvert” pour chaque élève et laisser chacun réagir, s’interroger à voix haute à tout bout de champ. Le premier risque est que cette participation sans contrôle deviennent vite source de nuisances sonores. Combien de fois les enseignants ne se sont-ils plaints de ces classes bavardes! Le deuxième risque est de se voir déborder par les questions dans le temps réduit de la classe, rallongeant sans fin le cours. Le troisième risque est de voir se creuser encore les inégalités entre ceux capables de réagir instantanément et les autres.
Comment donc créer de la participation réelle, respectueuse et aussi silencieuse que possible?
Deux solutions s’ouvrent:
- pouvoir inclure la participation dans les activités à réaliser en classe: au lieu de dérouler un powerpoint, l’enseignant mise sur la capacité de l’élève à apporter des documents, trouver une vidéo, exprimer une idée. Il faut alors que l’enseignant dispose du moyen de partager la production de l’élève avec toute la classe.
- pouvoir “voir” les écrans des élèves en direct et intervenir tout de suite en cas de besoin pour ceux d’entre eux qui en ont besoin, quitte à les contacter ensuite personnellement par téléphone par exemple;
Dans la classe à distance, une fonction d’écrans partagés permettrait à l’enseignant de voir les écrans de tous les élèves (lui ou elle seule les verrait), d’interagir avec chaque élève depuis leur écran en toute discrétion, en toute “intimité”.
Autre possibilité innovante, le travail de groupe!
Le travail coopératif ou collaboratif – le travail en groupe – est d’abord affaire de tâches partagées, d’accomplir quelque chose ensemble, de résoudre des problèmes en faisant appel à l’intelligence collective.
Ces objectifs sont aussi difficiles ou aussi faciles à atteindre à distance que dans la salle de classes. Il existe des applications simples qui permettent de réunir les élèves, de leur assigner des tâches, de suivre leur travail. Bref, il existe des outils qui nous font travailler ensemble.
Une leçon d’humilité
On a coutume de mettre sur le compte de la technologie, tous les problèmes de la classe à distance. Les fameux bugs se multiplient, l’écran se noircit brutalement, la page perd sa configuration sur l’écran, ce qui marche sur un ordinateur ne marche pas sur une tablette, la connexion s’interrompt…
Et alors? Qui a dit que la technologie se substituait à l’enseignant ?
Tous les problèmes liés à la technologie ont des solutions. La classe à distance est d’abord une belle leçon d’humilité tant pour les enseignants que pour ceux qui se sont vus trop vite comme les magiciens du numérique.
Get every new post delivered to your Inbox
Join other followers